Dans le judaïsme, la cuisine et les repas sont codifiés par ce que l’on appelle la Cacherout. Il s’agit de l’ensemble des règles qui s’appliquent du choix des aliments autorisés/interdits jusqu’à leur mode de consommation. Les règles étant très nombreuses, j’en propose ici une synthèse. En hébreu, le mot s’écrit ainsi (plus d’informations sur l’hébreu par ici) :
כַּשְׁרוּת
- Principes généraux
- La Bible Hébraïque et les interdits/autorisations
- Viandes
- Poissons
- Fruits et légumes
- Fromages
- Mélange lait/viande
- Alcool
- Autres interdits
- La Cacherout au quotidien
- Résumé des mots clés de la Cacherout
Principes généraux
Un grand nombre d’interdits/autorisations alimentaires dans le judaïsme sont d’inspiration biblique. On parle plus généralement de cuisine casher (en hébreu : כשר). Parmi les grands principes, on peut citer l’abattage rituel de la viande qui se nomme « chehitah » (en hébreu : שחיטה, pratique assez similaire à ce qui est fait dans la religion musulmane, à savoir que l’on sectionne la trachée et l’oesophage au moyen d’un couteau aiguisé), l’interdiction du porc, des animaux marins qui n’ont pas de nageoire et d’écailles, ou encore l’interdiction de mélanger le lait et viande. Notons qu’un animal, pour être consommé, doit être en vie au moment de l’abattage et ne présenter aucune trace de maladie. Ainsi on ne consomme pas les animaux déjà morts, malades ou tués à la chasse.

La Bible Hébraïque et les interdits/autorisations
La liste des animaux impurs et purs se trouve dans la Bible Hébraïque plus spécifiquement dans le livre du Lévitique ou « Et il appela » ou Vayiqra au chapitre 11. On retrouve également cette liste dans le Deutéronome ou « Paroles » ou Devarim au chapitre 14.
Viandes
D’après la Bible Hébraïque, il est dit des animaux autorisés (toutes les citations sont issues de la traduction de la Bible dite Segond 21) :
Vous pourrez manger de tout animal qui a le sabot fendu ou le pied fourchu et qui rumine. En revanche, vous ne mangerez aucun de ceux qui ruminent seulement ou qui ont seulement le sabot fendu.
Lévitique 11
Ainsi que :
Voici les animaux que vous pourrez manger : le boeuf, la brebis et la chèvre, le cerf, la gazelle et le daim, le bouquetin, le chevreuil, la chèvre sauvage et la girafe
Deutéronome 14
Cela donne donc la liste suivante (non exhaustive) des animaux autorisés : boeuf, mouton, chèvre, cerf, gazelle, daim, bouquetin, antilope, buffle, chevreuil etc… Vous noterez que je ne mentionne pas l’agneau qui est pourtant un animal comestible si on s’en réfère aux critères de la Bible Hébraïque. Cela tient au fait que cet animal est associé au culte sacrificiel dans ce texte. La destruction du Temple rendant impossible la réalisation des sacrifices, de nombreuses communautés juives s’abstiennent donc d’en consommer de peur de reproduire involontairement un sacrifice aujourd’hui impossible à réaliser. On peut également consommer presque toutes les volailles comme le poulet. Cela peut être inféré du passage suivant tiré du livre des Rois ou Melakhim qui décrit un repas de Salomon (second et dernier roi du royaume unifié d’Israël, modèle de sagesse pour le judaïsme) :
Chaque jour Salomon consommait en vivres: 6600 litres de fleur de farine et 13 200 litres de farine, 310 boeufs engraissés, 20 boeufs de pâturage et 100 brebis, en plus des cerfs, des gazelles, des daims et des volailles engraissées.
Rois 1

Dans tous les cas la viande doit toutefois être « casherisé », c’est à dire que l’on doit retirer le sang, soit en faisant griller la viande ou alors par salaison. Cette interdiction de consommer le sang est un commandement biblique issu de Genèse ou « Au commencement » ou Bereshit :
Seulement vous ne mangerez aucune viande avec sa vie, avec son sang.
Genèse 9
Notons que normalement la viande est déjà « cacherisé » dans les boucheries casher. Si ce n’est pas le cas, il faut alors le faire soi-même. Les règles qui vont suivre ne sont pas présentes en tant que telles dans la Bible Hébraïque, mais sont liées à différentes traditions. Si on procède par salaison, on réalisera les étapes suivantes (avec pour condition que la viande soit trempée dans les 72 heures qui suivent l’abattage) :
- La viande est d’abord trempée dans un récipient qui est généralement spécialement dédié à cette mission, et le trempage doit durer 30 minutes
- Après les 30 minutes la viande est sortie du récipient pour d’abord être égouttée (afin de ne pas dissoudre le sel), puis la viande est salée sur chacun des côtés. On utilise à cet effet un instrument dont le fond est percé pour permettre les éventuels écoulements de sang. Le salage doit durer 1 heure
- Après 1 heure de salage on peut prendre la viande pour retirer le sel présent dessus, puis on peut la rincer trois fois. La viande est ensuite consommable
Par grillage (cette procédure s’applique plus spécifiquement au foie qui est généralement gorgé de sang et à la viande qui n’a pas été trempée 72 heures après l’abattage) il faut procéder ainsi :
- On procède d’abord à un lavage de la viande avec de l’eau sans nécessairement la faire tremper
- On répand ensuite du sel sur la viande puis on fait griller immédiatement la viande
- Pour que le sang s’écoule normalement on ne doit pas envelopper la viande dans du papier aluminium par exemple ou encore utiliser un récipient
- On prendra soin à éviter les éclaboussures de sang qui rendent les ustensiles impropres à un usage normal
- Une fois la grillade terminée on peut ensuite rincer trois la viande avec de l’eau pour éliminer les dernières traces de sang. La viande est ensuite consommable
Ne sont pas autorisés un certain nombre d’animaux dont le plus célèbre est le porc, mais également (de façon non exhaustive) : le lapin, le sanglier, les chevaux, les sangliers, les félins etc… Si on devait faire une synthèse de cette logique, les animaux d’élevage sont généralement casher alors que ceux issus de la chasse sont prohibés. Raison qui tient, au delà de l’interdit biblique, au fait que l’on ne consomme jamais d’un animal tué autrement que par abattage rituel ce qui exclut les animaux mis à mort de façon violente, comme c’est généralement le cas à la chasse. Pour poursuivre sur les interdits/autorisations, voici notamment ce que dit le Lévitique au chapitre 11 au sujet du porc par exemple :
Vous ne mangerez pas le porc, qui a le sabot fendu, le pied fourchu mais ne rumine pas, vous le considérerez comme impur.
A cet exemple du porc, s’ajoute dans la Bible Hébraïque les exemples du chameau, du daman, du lièvre etc… De nombreuses espèces d’oiseaux sont également bannies de l’alimentation, toujours d’après le chapitre 11 du Lévitique :
[…] on ne mangera pas : l’aigle, l’orfraie, l’aigle de mer, le milan, les diverses espèces de vautours, toutes les espèces de corbeaux, l’autruche, le hibou, la mouette, les diverses espèces d’éperviers, le chat-huant, le plongeon, la chouette, le cygne, le pélican, le cormoran, la cigogne, les diverses espèces de hérons, la huppe et la chauve-souris
Au delà des interdits et permissions bibliques, rappelons que la viande autorisée doit toujours subir une préparation spécifique pour être casher, en particulier pour ne pas contenir de sang.

Poissons
Sont autorisés les poissons qui ont des nageoires et des écailles. Ce qui nous donne la liste suivante (non exhaustive) : saumon, sardine, thon, truite, anchois, aigeflin etc… Ne sont pas autorisés les autres animaux marins comme (de façon non exhaustive) : le crabe, les crevettes, moules, homard, écrevisses etc… Cet interdit est énoncé de la façon suivante dans la Bible Hébraïque au chapitre 11 du Lévitique :
Vous pourrez manger de tous ceux qui ont des nageoires et des écailles et qui vivent dans l’eau, soit dans les mers, soit dans les rivières. En revanche, parmi tous ceux qui grouillent et ceux qui vivent dans l’eau, soit dans les mers, soit dans les rivières, vous considérerez comme abominable ceux qui sont dépourvus de nageoires et d’écailles
Fruits et légumes
Il est possible de consommer l’ensemble des fruits et légumes sans restriction, en prenant simplement soin de vérifier qu’il n’y a pas d’insectes ou de parasites.
Fromages
Il est possible de consommer les fromages qui proviennent d’animaux licites comme par exemple : vache, chèvre… Le lait provenant d’animaux interdits n’est pas possible. Pour le lait mis en bouteille, une règle supplémentaire s’applique dans la mesure où pour qu’il soit casher celui-ci doit avoir été fabriqué par un juif de la traite jusqu’au conditionnement.
Mélange lait/viande
Il est dit dans la Bible Hébraïque : « Tu ne feras pas cuire un chevreau dans le lait de sa mère » et ceci trois fois (Chapitres 23 et 34 de Exode ou « Noms » ou Shemot ainsi que le chapitre 14 du Deutéronome ou « Paroles » ou Devarim). De cet interdit, les sages du judaïsme ont édictés plusieurs règles :
- L’interdiction de cuisiner lait et viande ensemble
- L’interdiction de consommer en même temps du lait et de la viande
- L’interdiction de faire de tels mélanges et d’en tirer profit
Concrètement, cela veut dire (dans le cadre d’une pratique stricte) qu’il faut toujours séparer le lait et la viande jusque dans la vaisselle qui doit être distincte entre la viande et les produits laitiers. Il faut également s’imposer des temps avant de consommer du lait ou de la viande après avoir consommé l’un ou l’autre. On parle généralement de trois à six heures. Temps qui peuvent parfois varier notamment pour les bébés qui ne sont pas forcément astreints à ces règles. Dans la pratique, cela veut donc dire qu’un certain nombre de plats ne sont d’office pas conforme à la Cacherout même si les aliments qui les composent sont casher. On peut penser aux hamburgers, aux plats avec des mélanges de crème et de viande ou encore au pizzas cuisinées avec du fromage et de la viande.

Alcool
La consommation d’alcool est tout à fait autorisé dans le judaïsme, à la différence de l’islam par exemple. Toutefois, pour que l’alcool en bouteille soit considéré comme casher, s’applique la même règle que pour le lait en bouteille qui veut que l’ensemble de la production soit réalisée par un juif du début à la fin. La même règle s’applique pour le jus de raisin.
Autres interdits
Sont interdits la consommation d’un animal tant qu’il est encore en vie (Au chapitre 9 de la Genèse ou « Au commencement » ou Bereshit, commandement qui doit également s’appliquer aux personnes non juives), la consommation du sang (également au chapitre 9 de du même livre) :
Seulement vous ne mangerez aucune viande avec sa vie, avec son sang.
Genèse 9
Instructions répétées encore dans le Lévitique ou « Et il appela » ou Vayiqra au chapitre 17 :
Si un Israélite ou un étranger en séjour chez vous parmi eux mange du sang, je me tournerai contre celui qui mange le sang et je l’exclurai du milieu de son peuple. En effet, la vie d’un être est dans le sang.
Sont interdits les insectes (bien que quatre espèces soient autorisées dans la Bible Hébraïque au chapitre 11 du Lévitique ou « Et il appela » ou Vayiqra à savoir les sauterelles, les criquets, les grillons et les locustes) :
Voici ceux que vous pourrez manger : les diverses espèces de sauterelles, de criquets, de grillons et de locustes.
Lévitique 11
Est également interdit la consommation du lait des animaux interdits dont nous avons parlé plus haut ou encore du nerf sciatique… Pour le nerf sciatique, l’interdiction se trouve dans le livre Genèse ou « Au commencement » ou Bereshit. Elle fait suite au combat entre le patriarche Jacob et un homme dont on ne connaît par l’identité :
C’est alors qu’un homme lutta avec lui jusqu’au lever de l’aurore. Voyant qu’il n’était pas vainqueur contre lui [Jacob], cet homme le frappa à l’emboîture de la hanche. […] Il [Jacob] boitait de la hanche. Voilà pourquoi, aujourd’hui encore, les Israélites ne mangent pas le tendon qui est à l’emboiture de la hanche : parce que Dieu frappa Jacob à l’emboîture de la hanche, au tendon.
Genèse 32
Notons également la permission de consommer du miel, alors que la consommation de l’abeille est proscrite. Et pour conclure, précisons qu’il est de coutume de ne pas consommer de la viande et du poisson en même temps. N’ayant pas d’origine biblique, cette interdiction découle d’interprétations plus tardives de la part des sages du judaïsme.
La Cacherout au quotidien
Maintenant que nous avons abordé l’ensemble des règles et des fondements bibliques liés à la Cacherout, je vous propose ici d’aborder rapidement la façon dont est vécue la Cacherout au quotidien. Tout d’abord, on peut dire qu’il y a plusieurs niveaux de Cacherout. Le niveau le plus basique consiste tout simplement à respecter les interdits et les autorisations énoncées dans la Bible Hébraïque. Cela implique donc, dans les grandes lignes de ne pas manger de porc, de ne pas mélanger le lait et la viande, ou encore de ne pas consommer des fruits de mer. Le second niveau de Cacherout consiste à pouvoir s’approvisionner en produits casher, estampillés comme tels, et qui doivent garantir une fabrication sous surveillance rabbinique. Enfin, la notion de casher s’entend également à plusieurs niveaux dans la mesure où cela va du plus basique (qui inclut à minima l’abattage rituel et la vérification de l’absence de défauts, parfois sans « cachérisation » qui implique de le faire soi-même) à des règles plus poussées (comme des quotas d’abattage pour garantir le respect des règles d’abattage rituel ainsi que la « cashérisation » de la viande). Pour des raisons géographiques et financières, il n’est pas toujours possible d’acheter casher (par exemple parce que les produits casher coûtent généralement plus chers, ou tout simplement parce que l’on vit dans une ville sans commerce casher). Par conséquent, on peut se rabattre sur les listes diffusées par les autorités rabbiniques (comme celles du Consistoire de France) pour savoir quels produits acheter. Ensuite, le respect de la Cacherout implique de respecter des règles qui sont celles du bon sens. Par exemple, on évitera au maximum les produits très transformés dans la mesure où leur composition n’est pas garantie (on peut par exemple penser au poisson prédécoupé qui n’est pas toujours clairement identifiable). Si on est invité au restaurant et que celui-ci n’est pas casher, on évitera autant que possible par exemple de consommer de la viande non seulement parce qu’elle n’est pas casher mais également parce qu’elle pourrait avoir été cuite à la poêle avec du beurre (ce qui revient en plus à transgresser l’interdit de mélanger le lait et la viande). On privilégiera un plat végétarien ou des légumes dans la mesure où il n’y a pas de restrictions sur ces derniers (si ce n’est s’assurer de l’absence d’insectes et parasites). Ou encore le poisson comme le thon par exemple. Enfin, le fait de respecter la Cacherout implique de mettre en oeuvre une certaine organisation dans sa cuisine, notamment pour respecter l’interdit de mélanger du lait et de la viande. Pour les plus pratiquants, cela implique d’avoir deux vaisselles distinctes, deux lavabos ou encore deux fours distincts.
Résumé des mots clés de la Cacherout
Pour conclure, vous trouverez ci-joint un tableau récapitulatif des mots clés employés pour traiter des sujets liés à la Cacherout avec leur translittération, leur écriture en hébreu et leur sens :
| Termes | En hébreu | Sens |
|---|---|---|
| Kasher | כשר | Conforme aux lois alimentaires juives |
| Terefah | טרפה | Non conforme aux lois alimentaires juives, interdit, le terme désigne surtout des animaux casher qui ne le sont plus du fait de certaines circonstances (défauts physiques, blessures…) |
| Parve | פרווה | Aliment ni laitier ni carnée, neutre |
| Halavi | חלבי | Laitier, contenant des produits laitiers |
| Bassari | בשרי | Carné, contenant de la viande |
| Shochet | שוחט | Abatteur rituel |
| Shechita | שחיטה | Abattage rituel des animaux selon les lois de la Cacherout |
| Basar ve-Halav | בשר וחלב | Viande et lait, faisant référence à l’interdiction de mélanger ces deux types d’aliments |
| Hechsher | הכשר | Certification cachère d’un aliment ou d’un produit |
| Cholov Yisroel | חלב ישראל | Lait supervisé par un Juif de la traite à la production, assurant sa Cacherout |
| Glatt | חלק | Littéralement « lisse », se réfère à la viande de haute qualité sans imperfections |
| Pas Yisroel | פת ישראל | Pain cuit par un Juif ou sous sa supervision |
| Yashan | ישן | Littéralement « ancien », se réfère à la farine de la récolte précédente, respectant certaines restrictions agricoles |
| Chadash | חדש | Littéralement « nouveau », se réfère aux produits céréaliers de la nouvelle récolte, soumis à certaines restrictions jusqu’à la fin de la récolte |
Pour aller plus loin sur le sujet de la Cacherout, je vous invite à consulter les ouvrages suivants :
- « Le Judaïsme dans la vie quotidienne » d’Ernest Gugenheim
- « Le Judaïsme : Histoire, fondements et pratiques de la religion juive » de Quentin Ludwig dans la rubrique dédiée à la Cacherout
- « Le Judaïsme : pratiques, fêtes et symboles » de Hélène Hadas-Lebel
- Des listes de produits casher sont disponibles sur les sites 123casher ou encore sur le site du Consistoire de Paris
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