Dans cet article, nous allons découvrir ce qui caractérise une lecture juive ou chrétienne de la Bible Hébraïque aussi dénommé Tanakh (תָּנָ״ךְ) ou encore Ancien Testament chez les chrétiens, ainsi que les éléments qui distinguent le judaïsme du christianisme, dans la mesure où les deux groupes religieux reconnaissent comme saintes les écritures de la Bible Hébraïque. Toutes les éventuelles citations bibliques sont issues de la traduction de la Bible dite Segond 21.
- Différences entre lectures chrétiennes et juives
- L’alliance avec Abraham, la circoncision et le monothéisme
- L’unité et l’unicité de Dieu
- La question du Messie
- La morale de la Bible Hébraïque : visions juives et chrétiennes
- Pratiques religieuses : collectivité et individualité
- Conclusions
Différences entre lectures chrétiennes et juives
Les lectures juives et chrétiennes divergent forcément lorsque l’on parle de la Bible Hébraïque ou Ancien Testament. Cela commence tout d’abord par la dénomination du livre en question. Quand dans le christianisme le livre (ou ensemble de livres) est dénommé Ancien Testament ce qui appelle un complément dénommé Nouveau Testament, le judaïsme considère ce livre en tant que seule et unique Bible du peuple juif.
Le terme de « Testament » est à entendre dans le sens « d’alliance » Chez les chrétiens, nous avons donc l’ancienne alliance puis la nouvelle incarnée plus particulièrement par Jésus Christ considéré comme fils de Dieu et Messie. Cet état de fait conduit souvent – sans en faire une généralité – à une lecture de l’Ancien Testament à la lumière du Nouveau Testament. Cette situation implique tout d’abord de considérer que les livres liés à la Loi (on peut penser par exemple au livre du Lévitique ou « Et il appela » ou Vayiqra) ne sont plus d’actualité aujourd’hui dans la mesure où Jésus, par son sacrifice sur la croix raconté dans le Nouveau Testament, à en quelque sorte accompli l’ancienne alliance. Cela englobe aussi bien les sacrifices, les fêtes ou encore des rites comme la circoncision. Un autre aspect de cette lecture est la recherche d’annonces messianiques (principalement la venue de Jésus Christ) dans de nombreux passages de l’Ancien Testament. C’est particulièrement le cas par exemple du livre Isaïe ou Yeshayahou qui a été longuement scruté à cet effet. Voici un exemple de verset interprété comme annonçant la venue de Jésus Christ pour les chrétiens :
Voilà pourquoi c’est le Seigneur lui-même qui vous donnera un signe: la vierge sera enceinte, elle mettra au monde un fils et l’appellera Emmanuel.
Isaïe 7

Verset qui confirmerait ainsi la conception « virginale » de Jésus. Notons toutefois qu’il existe des critiques sur cette traduction, dans la mesure où dans d’autres versions le terme « vierge » est remplacé par « jeune fille ». On trouve d’autres versets interprétés en ce sens comme dans les Psaumes ou Tehilim également :
Oui, des chiens m’environnent, une bande de scélérats rôdent autour de moi; ils ont percé mes mains et mes pieds.
Psaumes 22
Verset qui serait une annonce de la crucifixion de Jésus. Citons encore Zacharie ou Zekharia au chapitre 9 avec ce passage qui annoncerait l’entrée triomphante de Jésus à Jérusalem :
Réjouis-toi, fille de Sion! Lance des acclamations, fille de Jérusalem! Voici ton roi qui vient à toi; il est juste et victorieux, il est humble et monté sur un âne, sur un ânon, le petit d’une ânesse
Pour conclure sur les textes interprétés comme préfigurant le sacrifice du Christ dans le christianisme, terminons par la citation du chapitre 53 du livre d’Isaïe et sa parabole du Juste souffrant :
Qui a cru à notre prédication? A qui le bras de l’Eternel a-t-il été révélé? Il a grandi devant lui comme une jeune plante, comme un rejeton qui sort d’une terre toute sèche. Il n’avait ni beauté ni splendeur propre à attirer nos regards, et son aspect n’avait rien pour nous plaire. Méprisé et délaissé par les hommes, homme de douleur, habitué à la souffrance, il était pareil à celui face auquel on détourne la tête: nous l’avons méprisé, nous n’avons fait aucun cas de lui.
Pourtant, ce sont nos souffrances qu’il a portées, c’est de nos douleurs qu’il s’est chargé. Et nous, nous l’avons considéré comme puni, frappé par Dieu et humilié. Mais lui, il était blessé à cause de nos transgressions, brisé à cause de nos fautes: la punition qui nous donne la paix est tombée sur lui, et c’est par ses blessures que nous sommes guéris.
Nous étions tous comme des brebis égarées: chacun suivait sa propre voie, et l’Eternel a fait retomber sur lui nos fautes à tous. Il a été maltraité, il s’est humilié et n’a pas ouvert la bouche. Pareil à un agneau qu’on mène à l’abattoir, à une brebis muette devant ceux qui la tondent, il n’a pas ouvert la bouche. Il a été enlevé sous la contrainte et sous le jugement, et dans sa génération qui s’est inquiété de son sort? Qui s’est soucié de ce qu’il était exclu de la terre des vivants, frappé à cause de la révolte de mon peuple? On a mis son tombeau parmi les méchants, sa tombe avec le riche, alors qu’il n’avait pas commis de violence et qu’il n’y avait pas eu de tromperie dans sa bouche.
L’Eternel a voulu le briser par la souffrance. Si tu fais de sa vie un sacrifice de culpabilité, il verra une descendance et vivra longtemps, et la volonté de l’Eternel sera accomplie par son intermédiaire. Après tant de trouble, il verra la lumière et sera satisfait. Par sa connaissance, mon serviteur juste procurera la justice à beaucoup d’hommes; c’est lui qui portera leurs fautes.
Voilà pourquoi je lui donnerai sa part au milieu de beaucoup et il partagera le butin avec les puissants: parce qu’il s’est dépouillé lui-même jusqu’à la mort et qu’il a été compté parmi les criminels, parce qu’il a porté le péché de beaucoup d’hommes et qu’il est intervenu en faveur des coupables.
Enfin, cela se traduit également par une organisation différente des chapitres (voir ici pour plus de détails) et parfois l’inclusion de livres dits « Deutérocanoniques » qui ne sont pas présents dans le Tanakh ainsi que dans les bibles protestantes (qui ont fait le choix de se rapprocher des livres existants dans la tradition juive). Les livres « Deutérocanoniques » sont des livres exclus pour diverses raisons du canon hébraïque et protestant, mais retenus dans les bibles catholiques. Voici le découpage des livres dans la tradition chrétienne protestante (qui présuppose d’emmener le lecteur vers la lecture du Nouveau Testament) :
- Pentateuque: Genèse, Exode, Lévitique, Nombres, Deutéronome.
- Livres historiques: Josué, Juges, Ruth, 1 et 2 Samuel, 1 et 2 Rois, 1 et 2 Chroniques, Esdras, Néhémie, Esther.
- Livres poétiques: Job, Psaumes, Proverbes, Ecclésiaste, Cantique des cantiques.
- Livres prophétiques: Esaïe, Jérémie, Lamentations, Ezéchiel, Daniel, Osée, Joël, Amos, Abdias, Jonas, Michée, Nahum, Habakuk, Sophonie, Aggée, Zacharie, Malachie.

C’est sur ces paroles de Malachie que s’achève le Nouveau Testament :
Souvenez-vous de la loi de mon serviteur Moïse! Je lui ai donné en Horeb, pour tout Israël, des prescriptions et des règles. Je vous enverrai le prophète Elie avant que n’arrive le jour de l’Eternel, ce jour grand et redoutable. Il ramènera le coeur des pères vers leurs enfants et le coeur des enfants vers leurs pères, de peur que je ne vienne frapper le pays de destruction.
Dans le judaïsme, la Bible est considérée comme un ensemble que l’on pourrait qualifier de « fini ». Processus qui est le fruit d’un long travail de canonisation des Ecritures. Il n’y a donc pas, à la différence des chrétiens, un après sous la forme d’un autre recueil de livres qui viendrait abolir ou remplacer ce qui vient d’être dit. On trouve seulement des ouvrages complémentaires qui viennent préciser le sens des Ecritures dont le plus célèbre est le Talmud lorsque le texte biblique seul ne suffit pas à déduire des règles ou lorsque le texte manque de clarté ou encore lorsque la Loi nécessite des adaptations au contexte moderne. La Bible est d’abord lue comme racontant l’histoire de l’humanité sous l’égide de Dieu, depuis la création dans le livre de la Genèse ou « Au commencement » ou Bereshit jusqu’au retour de l’exil Babylonien dans les livres prophétiques. La Bible est ensuite vue comme décrivant l’alliance entre le peuple d’Israël et Dieu. Cette alliance n’est pas une simple élection, mais au contraire un véritable sacerdoce (on lit souvent Dieu qui déclare aux israélites « Vous serez une nation de prêtres » ou encore « Vous serez saints car je suis saint ») qui implique le respect de nombreux commandements (circoncision, fêtes, sacrifices etc…), dont les plus célèbres sont les Dix Commandements.

La destruction du Temple à Jérusalem à entraîné la modification de la Loi (à savoir notamment le remplacement des sacrifices par des prières) mais pas son abrogation. Par ailleurs, la Bible Hébraïque pose les bases de ce que l’on peut appeler le messianisme juif (à ne pas confondre avec le judaïsme messianique, qui est une branche du christianisme qui se revendique du judaïsme et reconnaît Jésus comme Messie; cette branche est assez mal perçue par les juifs qui lui reproche son prosélytisme et sa volonté de convertir les juifs) : à savoir l’attente de la venue d’un prophète qui sera issu de la lignée du roi David et qui établira l’âge messianique sur la Terre. A la différence du christianisme, le judaïsme qui reconnaît toutefois la venue de prophètes, attend – en théorie – toujours son Messie (quand le christianisme a reçu le sien en la personne de Jésus). Enfin, l’ordre des livres du Tanakh présuppose une autre visée à savoir celle notamment de constituer ce que l’on pourrait dénommer « une nation portative » (ce qui est d’ailleurs devenu particulièrement vrai après la destruction du Second Temple de Jérusalem avec la dispersion du peuple juif, où le culte juif à subi une mutation en mettant l’accent sur l’étude de la Torah et la prière). Raison notamment pour laquelle le Tanakh suit le découpage suivant (qui correspond, à la différence de l’Ancien Testament, un ordre plutôt thématique) :
- La Torah : Genèse, Exode, Lévitique, Nombres et Deutéronome
- Les Prophètes (Neviim) : Josué, Juges, Samuel, Rois, Isaïe, Jérémie, Ézéchiel puis les 12 petits prophètes (« petits » au sens de la taille des livres) : Osée, Joël, Amos, Abdias, Jonas, Michée, Nahum, Habacuc, Sophonie, Aggée, Zacharie, Malachie
- Les Autres Ecrits (Ketouvim) : Psaumes, Proverbes, Job, Cantique des Cantiques, Ruth, Lamentations, Ecclésiaste, Esther, Daniel, Esdras, Néhémie et les Chroniques
La Bible Hébraïque s’achève quant à elle sur ces mots issus du livre des Chroniques ou Divrei Hayamim :
La première année du règne de Cyrus sur la Perse, l’Eternel réveilla l’esprit de Cyrus, roi de Perse, afin que s’accomplisse la parole qu’il avait prononcée par Jérémie, et celui-ci fit faire de vive voix, et même par écrit, la proclamation que voici dans tout son royaume: «Voici ce que dit Cyrus, roi de Perse: L’Eternel, le Dieu du ciel, m’a donné tous les royaumes de la terre et m’a désigné pour lui construire un temple à Jérusalem, en Juda. Qui parmi vous fait partie de son peuple? Que l’Eternel, son Dieu, soit avec lui et qu’il y monte!»
Ces différences de lectures ont abouti à des discussions poussées au sein du christianisme où l’on est même allé jusqu’à s’interroger sur la possibilité qu’il existe un Dieu de l’Ancien Testament et un Dieu du Nouveau Testament, tant les visées de l’action divine sont parfois très différentes. Le christianisme a ainsi souvent comparé le Dieu de l’Ancien Testament (parfois qualifié de « Dieu de colère » du fait d’une certaine violence présente dans les textes : déluge, batailles, invasions, destruction de peuples entiers comme dans le livre de Josué ou Yehoshoua, sacrifices etc…) à un Dieu du Nouveau Testament (qualifié de « Dieu d’amour » tant son message – par l’intermédiaire de Jésus – est orienté vers la salvation de l’humanité et le culte de l’amour entre les individus).

On a également rencontré des concepts tendant à décrire une opposition entre un culte rituel (Ancien Testament) et une pratique plus spirituelle liée à l’esprit (Nouveau Testament). Notons aussi le fait que les deux livres racontent des histoires différentes : d’un côté l’alliance entre Dieu et Israël, de l’autre une alliance qui s’adresse non plus seulement aux juifs mais à l’humanité toute entière. Certains penseurs chrétiens au début de la chrétienté, comme Marcion (qui fut plus tard excommunié), sont allés jusqu’à proposer d’exclure l’Ancien Testament des écritures saintes. Notons également que la position de l’Eglise a beaucoup évolué à travers le temps (on est ainsi passé de l’accusation de déicide contre les juifs à la reconnaissance d’une forme de sémitisme spirituel; on peut citer à cet effet les déclarations du Pape Pie XI « Spirituellement, nous sommes des sémites » ou encore Jean-Paul II qui déclarait que les juifs sont les « frères aînés des chrétiens« ), notamment à notre époque à cause de la Shoah, ce qui a amené une démarche de revalorisation des origines si on peut dire juives de la foi chrétienne ainsi qu’à une normalisation des relations entre judaïsme et christianisme. Ainsi on en est même parfois venu à désigner la Bible Hébraïque non plus comme l’Ancien Testament mais comme le Premier Testament par égard pour les juifs et également pour rappeler que les deux écrits sont indissociables dans le christianisme. Nous avons évoqué la religion catholique, mais le protestantisme n’est pas en reste en termes de relations complexes avec le judaïsme. D’abord revenu aux fondamentaux du judaïsme avec le fait d’avoir choisi de ne retenir que les livres de la Bible Hébraïque pour la composition de l’Ancien Testament et d’avoir émis la doctrine de la Sola Scriptura (« Les Ecritures seules »), le père du protestantisme, Martin Luther, a ensuite entretenu des rapports agressifs avec la communauté juive en témoigne son pamphlet antisémite « Des Juifs et de leurs mensonges » publié vers la fin de sa vie. Cela a amené plus récemment certaines communautés protestantes, notamment allemandes, à se dissocier clairement de certains enseignements de Luther et à demander pardon auprès de la communauté juive pour les erreurs passées.

Dans le judaïsme, le texte de la Bible Hébraïque n’a jamais connu une suite et reste central en témoigne la place accordée à la lecture de la Torah à la synagogue. Comme nous l’avons indiqué plus haut en parlant du Talmud, la littérature juive relative aux Ecritures est simplement venue préciser le sens des choses ou proposer des adaptations modernes liées à certaines pratiques. Mais aucun texte ne saurait remplacer la Bible Hébraïque et plus particulièrement la Torah. Par conséquent, et il n’y a pas de débats au sein du judaïsme, les écritures du Nouveau Testament sont rejetées en bloc malgré le fait que le Nouveau Testament est né dans un contexte juif, en témoigne le fait que Jésus lui-même et ses apôtres l’étaient. Toutefois, cette situation n’a pas empêché à l’époque contemporaine des réflexions fécondes sur la façon dont la communauté juive pourrait lire ou interpréter le Nouveau Testament. A cet effet, citons l’ouvrage « Jewish Annotated New Testament » édité par Amy-Jill Levine et Marc Zvi Brettler, deux chercheurs juifs qui ont proposé une édition du Nouveau Testament accompagnée de nombreuses notes et commentaires dont le but de comprendre ce que ce livre raconte du judaïsme à l’époque de Jésus. Citons encore l’ouvrage « Quand Jésus parle à Israël – Un rabbin lit les Évangiles » du rabbin Philippe Haddad qui propose une réflexion sur les paroles et enseignements de Jésus dans le cadre du judaïsme du Second Temple.
L’alliance avec Abraham, la circoncision et le monothéisme
Ici, on retrouve le socle commun à toutes les religions monothéistes (Christianisme, Islam, Judaïsme) : la reconnaissance d’un ancêtre commun en la personne d’Abraham dont les aventures sont racontées dans le Tanakh ou Ancien Testament dans le livre de la Genèse ou « Au commencement » ou Bereshit.

Le judaïsme est donc par essence une religion strictement monothéiste comme en témoigne l’histoire de son ancêtre Abraham qui a tout quitté pour suivre le chemin tracé par Dieu. Si on lit en détail les textes du Tanakh ou Ancien Testament, cela implique pour les croyants (et dans le judaïsme, le peuple israélite) de ne pas pratiquer l’idolâtrie qui est une faute majeure dans le judaïsme. Ce terme regroupe des pratiques aujourd’hui disparues (comme le culte des Baal, des poteaux d’Astarté ou encore les prostituées sacrées) et encore d’actualité comme la divination ou la lecture des présages. Il existe à ce sujet un débat dans le judaïsme pour savoir si le christianisme est (ou non) une religion idolâtre dans la mesure où le christianisme pratique plusieurs choses interdites dans le judaïsme. Étant utile de rappeler que chez les premiers Israélites, le problème était manifestement légion, en témoigne par exemple ce texte du livre des Rois ou Melakhim :
L’Eternel avait averti Israël et Juda par l’intermédiaire de tous ses prophètes, de tous les voyants. Il leur avait dit: «Renoncez à votre mauvaise conduite et respectez mes commandements et mes prescriptions, en suivant entièrement la loi que j’ai donnée à vos ancêtres et que je vous ai envoyée par l’intermédiaire de mes serviteurs les prophètes.» Mais ils n’ont pas écouté, ils se sont montrés réfractaires comme leurs ancêtres, qui n’avaient pas cru en l’Eternel, leur Dieu. Ils ont rejeté ses prescriptions, l’alliance qu’il avait conclue avec leurs ancêtres et les avertissements qu’il leur avait adressés. Ils ont suivi des idoles sans consistance au point de perdre eux-mêmes toute consistance, ils ont suivi les nations qui les entouraient et que l’Eternel leur avait défendu d’imiter. Ils ont abandonné tous les commandements de l’Eternel, leur Dieu. Ils se sont fait deux veaux en métal fondu, ils ont fabriqué des poteaux d’Astarté, ils se sont prosternés devant tous les corps célestes et ils ont servi Baal.
Rois (Livre) 2 17

Par exemple dans les églises, on peut retrouver des statues de la Vierge Marie (mère de Jésus) ou d’autres figures devant lesquels peuvent se recueillir parfois les fidèles (en précisant que cela n’a rien avoir avec une pratique polythéiste comme si elle était une divinité, mais plutôt réaliser une prière devant une statue), ou encore des représentations animales/humaines ce qui est interdit par plusieurs passages de la Torah (à l’exception peut-être du linceul qui couvre l’Arche Sainte à la synagogue et représente parfois les tables de la Loi ou encore des motifs floraux). La comparaison parfois extrême faite entre certaines pratiques architecturales/religieuses chrétiennes, et le polythéisme ou l’idolâtrie n’est toutefois pas acceptable. En effet, elle ne tient pas compte du cadre de naissance du christianisme qui est apparu dans un contexte où les grandes civilisations de l’époque pratiquaient largement l’art de l’iconographie religieuse : statues, fresques, dessins… Elle ne tient pas compte non plus du fait que nous savons aujourd’hui que le judaïsme de l’époque s’accommodait également de représentations religieuses dans certaines synagogues, en témoigne les ruines de la synagogue de Dura-Europos en Syrie qui contient plusieurs fresques qui représentent de nombreux épisodes bibliques avec force et détails : Moïse guidant les hébreux lors du passage de la Mer Rouge, l’épisode du Veau d’Or, onction de David…

Le judaïsme a donc lui aussi pu se nourrir jusqu’à une époque récente des pratiques culturelles de son époque (en l’occurrence, celles de l’Empire Romain). L’interdit des sculptures et représentations vient du livre de l’Exode ou « Noms » ou Shemot au chapitre 20 :
Tu ne te feras pas de sculpture sacrée ni de représentation de ce qui est en haut dans le ciel, en bas sur la terre et dans l’eau plus bas que la terre
Dans le même temps la Bible Hébraïque décrit plus en avant des pratiques qui peuvent sembler contradictoires voir ambiguës, comme au chapitre 25 du même livre, où Dieu ordonne deux réaliser des images de chérubins (ou anges) :
Tu feras 2 chérubins en or, en or battu, aux 2 extrémités de ce propitiatoire. Fais un chérubin à l’une des extrémités et un chérubin à l’autre extrémité. Vous les ferez sortir du propitiatoire à ses deux extrémités. Les chérubins étendront les ailes par-dessus le propitiatoire, ils le couvriront de leurs ailes et se feront face l’un à l’autre; ils auront le visage tourné vers ce couvercle.
Ou encore la mention de représentations d’animaux dans le livre des Rois ou Melakhim au chapitre 7 :
Sur les panneaux qui étaient entre les montants figuraient des lions, des boeufs et des chérubins.
Ces passages peuvent s’interpréter de nombreuses façons. Et l’une d’entre elles, qui tient au contexte culturel dans lequel le judaïsme est né (à savoir la région de Canaan au Proche et Moyen-Orient ancien), peut se lire comme une intégration de pratiques architecturales locales au judaïsme ancien. Ou encore comme la nécessité de réaliser un compromis à l’époque entre le besoin d’orienter la pratique cultuelle vers un Dieu unique et le besoin de ne pas déstabiliser des populations locales accoutumées au polythéisme.
Sur ce sujet, toutes les dénominations du christianisme ne sont pas d’accord quant à la place des statues et représentations dans les lieux de culte. Sont là pour en témoigner les vifs débats des premiers chrétiens autour de l’iconoclasme. Ainsi le protestantisme interdit les représentations de ce genre dans ses temples. La question du culte rendu à Jésus dans les églises (ou temples pour les protestants) est également au centre des discussions juives dans la mesure où jamais dans la Bible Hébraïque il n’est question de rendre un culte à une personne humaine, même un prophète. En comparaison, l’architecture et les règles d’une synagogue suivent des principes que l’on pourrait qualifier comme étant clairement un monothéisme strict et qui sont clairement basées sur les règles de la Torah : pas de représentations humaines, pas d’images, pas de statues devant lesquelles se prosterner, pas de culte pour rendre hommage à une personne humaine, prières adressées exclusivement ou presque à Dieu etc… Seule l’Arche Sainte, qui contient les rouleaux de Torah, fait l’objet d’un soin particulier à la synagogue. Notons quand même que certaines communautés juives acceptent dans leurs synagogues (hors du hall de prière) des portraits de figures juives comme des rabbins ou celle de Baba Sali (de son vrai nom Israel Abuhatzeira, un célèbre rabbin marocain), ce qui peut poser un certain nombre de questions.

Par conséquent, dans le judaïsme, la Bible Hébraïque doit se lire comme l’accomplissement de la promesse faite à Abraham de lui donner la terre de Canaan et de conclure avec lui une alliance indéfectible qui se maintiendra malgré la catastrophe de l’Exil. Alliance qui impose le rite de la circoncision (marqueur identitaire essentiel) et le rejet total de l’idolâtrie. Dans le christianisme au contraire, si Abraham est bien considéré comme le père des croyants et du monothéisme, le rôle de l’alliance entre Dieu et Abraham est en quelque sorte actualisé. L’alliance actuelle étant celle contenue dans le Nouveau Testament qui embrasse toute l’humanité. Ainsi, certaines pratiques liées à cette alliance avec Abraham comme le rite central de la circoncision perdent de leur actualité dans le Nouveau Testament, et les chrétiens finiront par abandonner totalement la pratique lorsqu’ils commenceront à convertir massivement des païens (dans le contexte du Nouveau Testament, le terme est à entendre comme désignant des « non-juifs » dans la mesure où les premiers pratiquants du christianisme étaient eux mêmes des juifs). La circoncision, dans le christianisme et le Nouveau Testament, finira par devenir spirituel, on emploiera alors des expressions telles que la « circoncision du coeur » :
Certes, la circoncision est utile si tu mets en pratique la loi; mais si tu la violes, ta circoncision devient incirconcision. Si donc l’incirconcis respecte les commandements de la loi, son incirconcision ne sera-t-elle pas comptée comme circoncision? Ainsi, l’homme qui accomplit la loi sans être circoncis physiquement ne te condamnera-t-il pas, toi qui la transgresses tout en ayant la loi écrite et la circoncision? Le Juif, ce n’est pas celui qui en a l’apparence, et la circoncision, ce n’est pas celle qui est visible dans le corps. Mais le Juif, c’est celui qui l’est intérieurement, et la circoncision, c’est celle du coeur, accomplie par l’Esprit et non par la loi écrite. La louange que reçoit ce Juif ne vient pas des hommes, mais de Dieu.
Epître aux Romains 2
L’unité et l’unicité de Dieu
Le Shema Israël, que l’on pourrait décrire comme la profession de foi des israélites, nous dit « Ecoute Israël! Le Seigneur notre Dieu est le Seigneur UN ». Dans le judaïsme, et c’est un élément central, Dieu est UN. Il n’existe pas, comme nous l’avons vu dans la précédente partie (et cela vaut aussi pour le christianisme), un panthéon qui ferait de Dieu une figure parmi d’autres divinités. Non seulement c’est le seul Dieu, mais celui-ci est par essence indivisible dans le judaïsme. On pourrait dire de lui qu’il est tout et à la fois infini. Il n’y a donc pas de « division » possible de Dieu, et d’ailleurs le Tanakh ne reconnaît aucune incarnation de Dieu sur Terre sous une forme humaine, exception peut-être de l’Homme fait à son image. La christianisme introduit au contraire des notions qui sont incompatibles avec le judaïsme. Tout d’abord, il y a ce que l’on appelle la Trinité : le Père, le Fils et le Saint-Esprit. Parfois mal comprise car un peu difficile à expliquer simplement, cette notion ne veut pas dire qu’il y a trois dieux (elle n’a donc rien à voir avec une quelconque forme de polythéisme), mais au contraire qu’il y a un Dieu en trois personnes :
- Le Père : Dieu le Père est souvent considéré comme le créateur et le souverain de l’univers. Il est vu comme le protecteur et le guide de son peuple.
- Le Fils : Jésus-Christ, le Fils de Dieu, est Dieu incarné. Selon la foi chrétienne, Jésus est venu sur terre, a vécu une vie humaine, est mort sur la croix pour les péchés de l’humanité, et est ressuscité. Il est le Sauveur et le Rédempteur.
- Le Saint-Esprit : Le Saint-Esprit est la présence de Dieu qui habite dans les croyants. Il les guide, les console, et les aide à vivre selon la volonté de Dieu.
On peut résumer cela à la formule : « un en essence, trois en personnes ». Chaque personne est Dieu tout entier. Et chacune des trois personnes n’existe qu’en interaction avec les autres.

Notion toutefois totalement inconnue du judaïsme qui prêche un Dieu unitaire. Ensuite, vient la question de Jésus Christ qui serait le fils de Dieu. Cette affirmation voudrait dire que Dieu peut se manifester (et donc se diviser) à la fois sous une forme présente dans le Ciel et sur Terre. Concept là aussi totalement étranger au judaïsme qui reconnait les prophètes inspirés par Dieu mais exclut toute matérialisation humaine de la présence divine.
La question du Messie
Un autre point essentiel à la compréhension d’une lecture juive ou chrétienne de la Bible Hébraïque c’est ce que l’on entend (et attend) par Messie.
Dans le christianisme, la personne de Jésus (reconnue comme Messie) est venue à la fois accomplir et abroger l’ancienne loi connue sous le nom d’Ancien Testament. Pour autant, il n’a pas accompli un certain nombre de miracles attendus par les juifs : rétablissement d’Israël, retour du peuple sur la Terre Promise, mise en place de l’âge messianique etc… Dans le judaïsme, au contraire, le Messie a une mission et des attributs spécifiques. Tout d’abord il sera non seulement issu de la lignée Davidique (et d’ailleurs, les auteurs du Nouveau Testament établiront dans les évangiles des généalogies faisant remonter Jésus au roi David, comme c’est le cas dans les évangiles de Matthieu et Luc) mais il amènera avec lui ce que les juifs nomment l’âge messianique. Concernant la lignée Davidique du messie, voici un passage d’Isaïe en ce sens :
Puis un rameau poussera de la souche d’Isaï, un rejeton de ses racines portera du fruit.
Isaïe 1
Isaï, aussi appelé Jessé dans d’autres versions de la Bible, est le père du roi David. Il ne s’agit pas, à la différence du christianisme, d’abroger « l’ancienne » alliance entre Dieu et Israël pour la remplacer par autre chose mais au contraire de la magnifier en une sorte d’âge de paix. Pour citer encore une très belle image d’Isaïe :
Le loup et l’agneau brouteront ensemble, le lion, comme le boeuf, mangera de la paille et le serpent aura la poussière pour nourriture. On ne commettra ni mal ni destruction sur toute ma montagne sainte, dit l’Eternel.
Isaïe 65
Le monde sera pacifié et le peuple hébreu de retour sur sa Terre. Le messianisme juif trouve beaucoup sa source dans la littérature prophétique de la Bible Hébraïque qui fait souvent référence au retour prochain des hébreux de l’Exil. En effet, la disparition des royaumes juifs au temps des Rois ou Melakhim a produit des interrogations au sein du peuple auxquels ont tenté de répondre les prophètes.

S’en est suivi une littérature ou, pour le dire simplement, la disparition des deux royaumes à fait place à l’espoir d’un Messie qui viendrait rétablir Israël dans sa grandeur dans la lignée des grands rois comme David. La figure du Messie, dans le judaïsme, est donc à comprendre comme l’espoir de retrouver un certain âge d’or lié au temps du roi David avec le retour du peuple sur la Terre Promise et la reconstruction du Temple. En témoigne cette parole d’Isaïe :
Il dressera un étendard pour les nations, il rassemblera les exilés d’Israël et réunira les dispersés de Juda des quatre coins de la terre.
Isaïe 11
Le retour de l’Exil après le décret de Cyrus n’est ainsi pas vécu comme une libération complète dans la mesure où le Temple n’est pas immédiatement reconstruit et parce que le peuple juif commence à vivre en diaspora. A la différence du christianisme qui voit dans la venue du Messie, en la personne de Jésus, l’occasion d’une délivrance pour toute l’humanité. Aujourd’hui, les juifs attendent – en théorie – toujours leur Messie. Ils ne reconnaissent donc pas Jésus comme étant leur Messie et ce pour toutes les raisons que nous avons évoqué plus haut : il est décrit comme le fils de Dieu ce qui est absolument incompatible avec la pensée juive relative à Dieu qui est unitaire, sa lignée Davidique n’est pas établie malgré la volonté des auteurs des évangiles du Nouveau Testament d’établir une généalogie en ce sens, il n’a pas accompli un certain nombres de promesses propres à la venue du Messie et enfin l’âge messianique n’est pas arrivé.

Ajoutons également qu’à l’époque supposée de Jésus, les juifs étaient largement présents dans les provinces romaines de Judée et de Galilée (qui peuvent correspondre plus ou moins avec les frontières de l’état d’Israël moderne) malgré la présence d’un début de diaspora et le Second Temple était toujours en place. Par conséquent, Jésus ne pouvait pas remplir certains critères du messianisme juif à savoir : le retour du peuple hébreu sur la Terre Promise et la reconstruction du Temple. C’est même l’inverse qui va se produire dans les siècles suivants avec la dispersion de la communauté juive tout autour de la Méditerranée et la destruction du Second Temple après la grande révolte juive contre l’occupant Romain, qui doit toujours être reconstruit. Ajoutons à cela que Jésus est mort sur la croix avant d’avoir pu accomplir les prophéties, ce qui aux yeux du judaïsme le disqualifie comme Messie.
Si nous revenons à la notion de Messie dans le christianisme, nous avons déjà évoqué plus haut le fait que la vie de Jésus est interprétée comme une réalisation de divers prophéties de la Bible Hébraïque ou Ancien Testament (naissance virginale, descendant de la lignée Davidique etc…), dont son sacrifice sur la croix alors qu’il n’avait jamais commis de fautes de sa vie, ainsi que les nombreux miracles rapportés par le Nouveau Testament. Mais l’événement central de la reconnaissance de la messianité de Jésus dans le christianisme, et qui dépasse sans doute de très loin en terme d’impact l’accomplissement de prophéties de l’Ancien Testament, est le miracle de sa résurrection. C’est un élément indispensable à la compréhension christianisme. Et cela tient à plusieurs choses. Tout d’abord, le miracle de sa résurrection prouve qu’il est bien le fils de Dieu et qu’il a surmonté la mort. Ensuite, cette résurrection était l’une de ses promesses, ainsi que le rapporte l’évangile de Matthieu :
En effet, de même que Jonas fut trois jours et trois nuits dans le ventre d’un grand poisson, de même le Fils de l’homme sera trois jours et trois nuits dans la terre.
Matthieu 12
Comme le rapporte le Nouveau Testament, Jésus passa trois jours au tombeau puis se leva. Il a ainsi accompli sa plus grande promesse, et il pourra donc réaliser toutes les autres. On peut ensuite ajouter qu’il a réussi à rassembler les apôtres qui avaient désertés après sa crucifixion pour leur demander de propager la bonne nouvelle :
Alors Jésus leur dit: «Vous trébucherez tous, cette nuit, à cause de moi, car il est écrit: Je frapperai le berger et les brebis du troupeau seront dispersées. Mais, après ma résurrection, je vous précéderai en Galilée »
Matthieu 26
La résurrection devient ainsi un message central de sa messianité en apparaissant auprès de ses apôtres. Il apparaîtra ainsi, d’après le Nouveau Testament, à plus d’une centaine de personnes. Au-delà d’une simple résurrection corporelle, cet événement amène un message qui porte la promesse de la vie éternelle et du salut pour toute l’humanité. Elle apporte aussi un message de renouveau et la promesse d’une vie nouvelle, ainsi que la preuve que la mort n’est pas une fin en soi et qu’une nouvelle est possible avec Dieu. C’est une croyance essentielle pour le christianisme en témoigne cet écrit de Paul dans sa lettre aux Corinthiens :
Or, si l’on prêche que Christ est ressuscité, comment quelques-uns parmi vous peuvent-ils dire qu’il n’y a pas de résurrection des morts? S’il n’y a pas de résurrection des morts, Christ non plus n’est pas ressuscité. Et si Christ n’est pas ressuscité, alors notre prédication est vide, et votre foi aussi. Il se trouve même que nous sommes de faux témoins vis-à-vis de Dieu, puisque nous avons témoigné contre Dieu qu’il a ressuscité Christ. Or il ne l’a pas fait si les morts ne ressuscitent pas. En effet, si les morts ne ressuscitent pas, Christ non plus n’est pas ressuscité. Or, si Christ n’est pas ressuscité, votre foi est inutile, vous êtes encore dans vos péchés, et par conséquent ceux qui sont morts en Christ sont aussi perdus. Si c’est pour cette vie seulement que nous espérons en Christ, nous sommes les plus à plaindre de tous les hommes.
Première lettre aux Corinthiens 15
La morale de la Bible Hébraïque : visions juives et chrétiennes
Ensuite il serait difficile de ne pas évoquer la morale propre à ce texte et la façon dont elle est interprétée dans le judaïsme et le christianisme. Tout lecteur attentif remarquera plusieurs choses dans la Bible Hébraïque.
La première, que toute la Création est bonne pour Dieu. Même les autres peuples de la Terre (les fameuses 70 nations de la Bible) ont leur rôle à jouer dans l’Histoire. Le judaïsme existe seulement avec les autres peuples. Depuis Noé et le Déluge dans le livre de la Genèse ou « Au commencement » ou Bereshit, la Création n’est plus à réparer. On peut mettre cet état de fait en opposition avec la vocation missionnaire du Nouveau Testament qui en appelle à une conversion de l’humanité toute entière, conversion qui passe par le reconnaissance du Christ comme sauveur :
Jésus s’approcha et leur dit: «Tout pouvoir m’a été donné dans le ciel et sur la terre. Allez [donc], faites de toutes les nations des disciples, baptisez-les au nom du Père, du Fils et du Saint-Esprit et enseignez-leur à mettre en pratique tout ce que je vous ai prescrit. Et moi, je suis avec vous tous les jours, jusqu’à la fin du monde.»
Matthieu 28
Au contraire, dans l’interprétation du judaïsme, l’humanité prend son sens dans une forme de diversité vue comme salutaire depuis la fameuse histoire de la Tour de Babel où Dieu a dispersé les Hommes en confondant leurs langues. La Bible Hébraïque n’a donc pas de visées missionnaires. Une fois le peuple hébreu installé dans la Terre Promise, celui-ci se bat soit pour maintenir sa terre ou y revenir après l’Exil, mais jamais il n’est question de partir à la conquête du monde – dans un sens spirituel – ou d’envoyer des émissaires pour diffuser le judaïsme à l’ensemble de l’humanité.

D’ailleurs, le judaïsme reconnaît le droit aux non-juifs à une part au monde à venir, doctrine connue sous le nom de Noachisme. Si on compare les pratiques actuelles sur ce sujet, on constatera que le judaïsme moderne tend d’ailleurs à décourager les conversions (au moins dans un premier temps) et ne fait aucun prosélytisme, alors que dans le christianisme cette démarche est encouragée par des courants notamment évangélistes ou carrément missionnaires. Notons toutefois, concernant le judaïsme, que des débats entre chercheurs existent quant à savoir si le judaïsme à l’époque du Second Temple était ou non prosélyte. Cet état de fait est d’ailleurs évoqué dans les évangiles :
»Malheur à vous, spécialistes de la loi et pharisiens hypocrites, parce que vous parcourez la mer et la terre pour faire un converti et, quand il l’est devenu, vous en faites un fils de l’enfer deux fois pire que vous.
Matthieu 23
La deuxième, qu’il n’y a pas de fatalité dans la vie humaine. Alors que par exemple l’épisode de la Chute d’Adam et Eve du Jardin d’Eden raconté dans la Genèse est vécu comme fondamentalement négatif dans le christianisme, la Bible Hébraïque nous le donne à voir comme quelque chose faisant partie de la nature humaine, quand le christianisme voit dans cet événement comme une souillure indélébile sur la nature humaine qui s’est diffusée de génération en génération. On peut citer à cet effet ce texte du Nouveau Testament qui fait clairement référence à la faute d’Adam (mais ne mentionne pas Eve) :
C’est pourquoi, de même que par un seul homme le péché est entré dans le monde, et par le péché la mort, de même la mort a atteint tous les hommes parce que tous ont péché. En effet, avant que la loi ne soit donnée, le péché était déjà dans le monde. Or, le péché n’est pas pris en compte quand il n’y a pas de loi. Pourtant la mort a régné depuis Adam jusqu’à Moïse, même sur ceux qui n’avaient pas péché par une transgression semblable à celle d’Adam, qui est l’image de celui qui devait venir. Mais il y a une différence entre le don gratuit et la faute. En effet, si beaucoup sont morts par la faute d’un seul, la grâce de Dieu et le don de la grâce qui vient d’un seul homme, Jésus-Christ, ont bien plus abondamment été déversés sur beaucoup. Et il y a une différence entre ce don et les conséquences du péché d’un seul. En effet, c’est après un seul péché que le jugement a entraîné la condamnation, tandis que le don gratuit entraîne l’acquittement après un grand nombre de fautes. Si par un seul homme, par la faute d’un seul, la mort a régné, ceux qui reçoivent avec abondance la grâce et le don de la justice régneront à bien plus forte raison dans la vie par Jésus-Christ lui seul.
Ainsi donc, de même que par une seule faute la condamnation a atteint tous les hommes, de même par un seul acte d’acquittement la justification qui donne la vie s’étend à tous les hommes. En effet, tout comme par la désobéissance d’un seul homme beaucoup ont été rendus pécheurs, beaucoup seront rendus justes par l’obéissance d’un seul. L’intervention de la loi a entraîné la multiplication des fautes, mais là où le péché s’est multiplié, la grâce a surabondé. Ainsi, de même que le péché a régné par la mort, de même la grâce règne par la justice pour la vie éternelle, par Jésus-Christ notre Seigneur.
Épître aux Romains 5

D’ailleurs, la Chute d’Adam n’est pas une fin en soi dans la Bible Hébraïque puisque elle va ouvrir le chapitre des Patriarches du peuple hébreu. La Chute est presque vue comme s’inscrivant dans le sens de l’Histoire. Enfin, dans la Bible Hébraïque, il n’y a pas vraiment une logique – à deux exception près – qui voudrait que la descendance hérite des fautes de façon héréditaire et sans rémission de ses prédécesseurs en témoignent les paroles d’Ezéchiel ou Yehezqel :
Celui qui pèche, c’est celui qui mourra. Le fils ne supportera pas les conséquences de la faute commise par son père, et le père ne supportera pas les conséquences de la faute commise par son fils. Le juste sera préservé à cause de sa justice, et le méchant sera condamné à cause de sa méchanceté.
Ezéchiel 18
Ou encore cette fameuse maxime de Jérémie ou Yrmeyahou :
Durant ces jours-là, on ne dira plus: «Ce sont les pères qui ont mangé des raisins verts, mais ce sont les enfants qui ont eu mal aux dents.» Chacun mourra en raison de sa faute. Quand un homme mangera des raisins verts, il aura lui-même mal aux dents.
Jérémie 31
A remettre toutefois en perspective avec cet autre verset tiré du livre de l’Exode ou « Noms » ou Shemot :
Tu ne te feras pas de sculpture sacrée ni de représentation de ce qui est en haut dans le ciel, en bas sur la terre et dans l’eau plus bas que la terre. Tu ne te prosterneras pas devant elles et tu ne les serviras pas, car moi, l’Eternel, ton Dieu, je suis un Dieu jaloux. Je punis la faute des pères sur les enfants jusqu’à la troisième et la quatrième génération de ceux qui me détestent, et j’agis avec bonté jusqu’à 1000 générations envers ceux qui m’aiment et qui respectent mes commandements
Exode 20
Souvent perçu comme une contradiction dans le récit du message divin, il faut au contraire le comprendre dans le sens où les générations futures sont souvent amenées à reproduire les fautes de leurs parents, notamment en ce qui concerne l’idolâtrie, ce qui amène la perpétuation de la sanction divine par faute d’une mauvaise éducation. La Bible Hébraïque, à la différence du Nouveau Testament, réfléchit beaucoup plus en termes de clans/tribus/peuples ce qui amène à une réflexion logique sur les conséquences des actions des parents sur leurs enfants. Logique, et crainte, qui est particulièrement bien exprimée dans le livre des Rois ou Melakhim au chapitre 20 avec ces deux exemples relatifs au fait de marcher dans les « pas de son père » :
Josaphat, le fils d’Asa, devint roi de Juda la quatrième année du règne d’Achab sur Israël. Josaphat avait 35 ans lorsqu’il devint roi et il régna 25 ans à Jérusalem. Sa mère s’appelait Azuba et c’était la fille de Shilchi. Il marcha entièrement sur la voie de son père Asa. Il ne s’en écarta pas, faisant ce qui est droit aux yeux de l’Eternel.
[…]
Achazia, le fils d’Achab, devint roi d’Israël à Samarie, la dix-septième année du règne de Josaphat sur Juda. Il régna 2 ans sur Israël.
Il fit ce qui est mal aux yeux de l’Eternel; il marcha sur la voie de son père et de sa mère, et sur la voie de Jéroboam, fils de Nebath, qui avait fait pécher Israël. Il servit Baal et se prosterna devant lui, et il irrita l’Eternel, le Dieu d’Israël, tout comme l’avait fait son père.
Autre exception à relever, celle concernant les enfants nés d’une union interdite dans le livre du Deutéronome ou « Paroles » ou Devarim :
Celui qui est issu d’une union interdite n’entrera pas dans l’assemblée de l’Eternel. Même sa dixième génération n’y entrera pas.
Deutéronome 23
Ce passage fait encore aujourd’hui l’objet de beaucoup de débats dans le judaïsme, notamment concernant son application. Comme certains passages mentionnés plus haut, son existence ne peut se comprendre que si l’on tient compte de l’importance de la famille et surtout de l’ordre social pour les auteurs de la Bible Hébraïque. Dans le contexte du Proche et Moyen-Orient où des familles au sens élargi vivaient sous un même toit, il était primordial d’éviter la survenue de faits graves comme l’inceste par exemple, dans la mesure où cela aurait sérieusement compromis la cohésion du foyer. Au-delà donc d’une application purement littérale du texte, ce dernier fonctionne aussi comme un avertissement en nous rappelant que ce que nous faisons peut avoir des conséquences pour les générations futures. Ces textes sont également à remettre, et j’arrête ici, en perspective avec cet autre verset :
On ne fera pas mourir les pères à la place des enfants, ni les enfants à la place des pères. On fera mourir chacun pour son péché
Deutéronome 24
Si on se remémore l’histoire du peuple hébreu telle que racontée dans la Torah, des explorateurs sont envoyés en Terre Promise mais le peuple refuse à ce moment d’entrer dans le pays de Canaan, de crainte d’affronter les peuples qui s’y trouvent. Dieu, face à cet accès de faiblesse, condamnera la génération fautive à mourir dans le désert (les fameux quarante ans de marche jusqu’à la disparition de la génération fautive) mais n’empêchera pas au contraire la génération suivante d’entrer dans la Terre Promise. En progressant dans la lecture de la Bible Hébraïque on ne peut que constater que cette dernière embrasse l’entièreté de la nature humaine. L’humain y est capable du pire comme du meilleur. Et cela va du « simple mortel » aux grands personnages comme Moïse ou encore le roi David. Au contraire, dans le Nouveau Testament, l’Homme est considéré comme ayant péché dès le départ. Il va donc se mettre en place une approche qui consiste à vouloir gommer ce que le christianisme nomme le « péché originel » (notion totalement absente du judaïsme). Et la solution pour se laver de cette souillure est d’abord le sacrifice de Jésus Christ sous la forme de la crucifixion – qui doit laver l’humanité de ses péchés – puis pour les Hommes de mettre leur confiance en la personne du Messie (ou en la personne de Jésus dans le Nouveau Testament).

La troisième est que la Bible Hébraïque en appelle souvent à la responsabilité de l’Homme. En témoigne les Dix Commandements qui non seulement sont des instructions, mais interrogent également l’Homme sur sa responsabilité à l’égard des autres personnes et du monde qui l’entoure. Un travail constant est à fournir pour se rapprocher de ce qu’attend Dieu et il n’y a pas (si on peut dire) la possibilité de s’amender auprès d’un intercesseur entre Dieu et les Hommes. Les récits de la Bible Hébraïque avec les nombreux errements du peuple hébreu témoignent de ce chemin difficile qui demande à l’Homme de se surpasser. Au contraire, dans le Nouveau Testament, le sacrifice de Jésus sur la croix est vu comme un acte ayant lavé la souillure de l’humanité toute entière et comme un acte d’intercession entre l’humanité et Dieu :
En effet, il y a un seul Dieu et il y a aussi un seul médiateur entre Dieu et les hommes: un homme, Jésus-Christ, qui s’est donné lui-même en rançon pour tous. Tel est le témoignage rendu au moment voulu et pour lequel j’ai été établi prédicateur et apôtre – je dis la vérité [devant Christ], je ne mens pas – chargé d’enseigner les non-Juifs dans la foi et la vérité.
Première lettre à Timothée 2
Ou encore :
Il est lui-même la victime expiatoire pour nos péchés, et non seulement pour les nôtres, mais aussi pour ceux du monde entier.
Première épître de Jean 2
Pratiques religieuses : collectivité et individualité
Enfin, pour conclure sur une lecture juive ou chrétienne de la Bible Hébraïque ou Ancien Testament, notons des ruptures sur les notions de collectivité et d’individualité en termes de pratiques religieuses entre le christianisme et le judaïsme. Je ne parle pas de foi en Dieu qui est quelque chose de personnel, mais bien des pratiques associées au culte et à la religion.
Dans le judaïsme, et donc dans la Bible Hébraïque, la notion de pratique de la religion s’entend avant tout de façon collective. Cela commence avec le fait que Dieu passe une alliance entre lui et tout le peuple hébreu, et cela se poursuit dans la logique communautaire de la pratique religieuse israélite ritualisée par des rites et de nombreux commandements à accomplir à la fois individuellement mais également en commun. On peut également parler du fait qu’avant le don de la Loi au Mont Sinaï, l’aventure racontée dans la Bible Hébraïque se vit à l’échelle de la famille ou du clan. Et cela est logique puisque l’aventure racontée est celle de Dieu et de son peuple d’élection. En témoigne ainsi la promesse faite par Dieu à Abraham :
Ce jour-là, l’Eternel fit alliance avec Abram en disant: «C’est à ta descendance que je donne ce pays, celui qui va du fleuve d’Egypte jusqu’au grand fleuve, jusqu’à l’Euphrate, le pays des Kéniens, des Keniziens, des Kadmoniens, des Hittites, des Phéréziens, des Rephaïm, des Amoréens, des Cananéens, des Guirgasiens et des Jébusiens.»
Genèse 15
En témoignent aussi les Dix Commandements donnés dans le livre de l’Exode ou « Noms » ou Shemot au chapitre 20 qui présupposent une vie en société du peuple hébreu. Les fêtes, les sacrifices, la montée à Jérusalem lors des fêtes de pèlerinage décrite dans la Bible Hébraïque sont autant de choses qui nous rappellent que la pratique religieuse israélite est avant tout une aventure collective. Cela n’empêche pas une communication entre Dieu et les Hommes de façon individuelle (et les exemples sont nombreux comme les dialogues entre les Patriarches et Dieu par exemple), mais le judaïsme reste avant tout une aventure communautaire. Et cela se manifeste encore aujourd’hui par l’emphase mise sur la vie communautaire dans le judaïsme qui passe par l’accomplissement des commandements qui doivent souvent se réaliser en collectivité (on peut ainsi parler du fait qu’à la synagogue il est nécessaire de réunir un quorum pour faire certaines prières ou encore lire la Torah, on parle en hébreu d’un minyan), ainsi que dans les démarches de conversion que nous avons évoqué plus haut où il est demandé – entre autres exigences – de s’intégrer pleinement à la vie communautaire.
Dans le christianisme, et donc dans le Nouveau Testament, si l’aventure collective existe (l’église chez les catholiques ou le temple chez les protestants ont leur importance) la pratique religieuse a des aspects beaucoup plus individuels dans la mesure où l’exigence est beaucoup mise sur le fait que l’individu doit placer personnellement sa confiance dans le Messie en la personne de Jésus Christ. Il n’y a plus ici de commandements à accomplir (seul ou en commun) au sens où on l’entend dans la Bible Hébraïque et le judaïsme. C’est d’ailleurs une différence frappante entre la Bible Hébraïque et le Nouveau Testament, dans la mesure où dans ce dernier on ne trouve pas de rites qui auraient la même valeur collective que dans la Bible Hébraïque. Cela n’empêche pas évidemment la formation de communautés comme cela est décrit dans le Nouveau Testament, mais l’expérience de la pratique religieuse est davantage individuelle en témoigne par exemple la conversion de Paul sur le chemin de Damas, la conversion du centurion romain Corneille ou encore celle de l’eunuque éthiopien.

A la différence de la Bible Hébraïque, l’appartenance au christianisme dans le Nouveau Testament est avant tout liée à une profession de foi personnelle, et le Nouveau Testament ne raconte pas l’histoire d’un peuple lié par une relation particulière à Dieu mais plutôt une multitude de relations individuelles entre des personnes et Dieu. Dans le protestantisme, branche du christianisme, cela va jusqu’à considérer que les hommes et les femmes doivent développer seuls une relation personnelle avec Dieu avec la doctrine de la « Sola Fide » (que l’on peut traduire par « La foi seule ») qui met la foi au dessus de principes qu’on retrouve dans la judaïsme comme l’accomplissement de rituels et des commandements. Toutefois, il ne serait pas juste de dire que le christianisme n’implique pas de grandes célébrations ou communions collectives comme en témoignent les nombreuses fêtes du calendrier chrétien. On peut également citer ce que l’on appelle les sacrements (qui varient entre catholicisme et protestantisme) et qui rythment de manière collective la vie des chrétiens : baptême, mariage, onction des maladies, eucharistie etc…

Il s’agit par contre d’inventions plus récentes liées davantage à la mise en place de l’Eglise dans les siècles suivants la diffusion du christianisme et au besoin de mettre en place un culte propre différencié du judaïsme suite à la rupture progressive des premières communauté chrétiennes d’avec le judaïsme. Le Nouveau Testament en tant que tel, à quelques exceptions près comme le rite du baptême, contient peu d’instructions liées à la mise en place d’évènements collectifs ayant pour objectif de lier la communauté chrétienne. On ne retrouve jamais, comme c’est le cas de la Bible Hébraïque, des listes de lois précises visant à mettre en place une pratique religieuse collective. La seule chose qui se rapproche d’un « code de lois » dans le Nouveau Testament en vue de définir la nature collective de la pratique, c’est le texte suivant principalement écrit pour répondre à la présence grandissante de non-juifs dans l’Eglise en cours de formation, ce qui interroge les premiers chrétiens (qui étaient eux-mêmes juifs) sur la continuité de la Loi de Moïse (ou plus communément le Pentateuque ou la Torah) dont notamment le rite de la circoncision :
Quelques hommes venus de Judée enseignaient les frères en disant: «Si vous n’êtes pas circoncis selon la coutume de Moïse, vous ne pouvez pas être sauvés.» Paul et Barnabas eurent un vif débat et une vive discussion avec eux. Les frères décidèrent alors que Paul, Barnabas et quelques-uns d’entre eux monteraient à Jérusalem vers les apôtres et les anciens pour traiter cette question. Envoyés donc par l’Eglise, ils traversèrent la Phénicie et la Samarie en racontant la conversion des non-Juifs, et ils causèrent une grande joie à tous les frères et soeurs. Arrivés à Jérusalem, ils furent accueillis par l’Eglise, les apôtres et les anciens, et ils rapportèrent tout ce que Dieu avait fait avec eux. Alors quelques croyants issus du parti des pharisiens se levèrent en disant qu’il fallait circoncire les non-Juifs et leur ordonner de respecter la loi de Moïse.
Les apôtres et les anciens se réunirent pour examiner cette question. Il y eut une longue discussion. Pierre se leva alors et leur dit: «Mes frères, vous savez que, dès les premiers jours, Dieu a fait un choix parmi nous: il a décidé que les non-Juifs entendraient par ma bouche la parole de l’Evangile et croiraient. Et Dieu, qui connaît les coeurs, leur a rendu témoignage en leur donnant le Saint-Esprit comme à nous. Il n’a fait aucune différence entre eux et nous, puisqu’il a purifié leur coeur par la foi. Maintenant donc, pourquoi provoquer Dieu en imposant aux disciples des exigences que ni nos ancêtres ni nous n’avons été capables de remplir? Nous croyons au contraire que c’est par la grâce du Seigneur Jésus que nous sommes sauvés, tout comme eux.»
Toute l’assemblée garda le silence et l’on écouta Barnabas et Paul raconter tous les signes miraculeux et les prodiges que Dieu avait accomplis par leur intermédiaire au milieu des non-Juifs.
Lorsqu’ils eurent fini de parler, Jacques prit la parole et dit: «Mes frères, écoutez-moi! Simon a raconté comment dès le début Dieu est intervenu pour choisir parmi les nations un peuple qui porte son nom. Cela s’accorde avec les paroles des prophètes, puisqu’il est écrit: Après cela, je reviendrai, je relèverai de sa chute la tente de David, je réparerai ses ruines et je la redresserai; alors le reste des hommes cherchera le Seigneur, ainsi que toutes les nations appelées de mon nom, dit le Seigneur qui fait [tout] cela et de qui cela est connu de toute éternité.
C’est pourquoi, je pense qu’on ne doit pas créer de difficultés aux non-Juifs qui se tournent vers Dieu, mais qu’il faut leur écrire d’éviter les souillures des idoles, l’immoralité sexuelle, les animaux étouffés et le sang. En effet, depuis bien des générations, dans chaque ville des hommes prêchent la loi de Moïse, puisqu’on la lit chaque sabbat dans les synagogues.»
Alors il parut bon aux apôtres et aux anciens, ainsi qu’à toute l’Eglise, de choisir parmi eux Jude, appelé Barsabas, et Silas, des hommes estimés parmi les frères, et de les envoyer à Antioche avec Paul et Barnabas. Ils les chargèrent du message que voici: «Les apôtres, les anciens et les frères aux frères et soeurs d’origine non juive qui sont à Antioche, en Syrie et en Cilicie, salut!
Nous avons appris que des hommes partis de chez nous, mais sans aucun ordre de notre part, vous ont troublés par leurs discours et vous ont ébranlés [en vous disant de vous faire circoncire et de respecter la loi]. C’est pourquoi nous avons décidé, d’un commun accord, de choisir des délégués et de vous les envoyer avec nos bien-aimés Barnabas et Paul, ces hommes qui ont livré leur vie pour le nom de notre Seigneur Jésus-Christ. Nous avons donc envoyé Jude et Silas qui vous annonceront de vive voix les mêmes choses. En effet, il a paru bon au Saint-Esprit et à nous de ne pas vous imposer d’autre charge que ce qui est nécessaire: vous abstenir des viandes sacrifiées aux idoles, du sang, des animaux étouffés et de l’immoralité sexuelle. Vous agirez bien en évitant tout cela. Adieu
Actes des Apôtres 15

Conclusions
Nous avons donc vu dans cet article ce qui caractérise une lecture juive ou chrétienne Bible Hébraïque aussi dénommé Tanakh (תָּנָ״ךְ) ou encore Ancien Testament chez les chrétiens. Si on devait faire une synthèse des deux approches, on pourrait d’abord retenir du judaïsme que la Bible Hébraïque (et plus particulièrement la Torah ou Pentateuque) est un texte central dans la pratique religieuse, et que rien ne vient l’abroger ou le remplacer. Au contraire, dans le christianisme, le terme d’Ancien Testament appelle un complément qui est le Nouveau Testament. Ensuite, malgré le fait qu’Abraham soit un ancêtre commun aux deux religions, il y a des divergences quant au sens à donner aujourd’hui à ce fait. L’alliance entre Abraham et Dieu est toujours d’actualité dans le judaïsme et se manifeste par le rite de la circoncision, quand dans le christianisme ce rite a été spiritualisé. Quant à la question de la reconnaissance d’un Dieu unique, les deux religions s’accordent, mais certaines pratiques peuvent entraîner des désaccords de part et d’autre : par exemple la Trinité chrétienne qui est difficilement compréhensible pour le judaïsme. La question du Messie est également importante : le judaïsme attend toujours le sien quand le christianisme le reconnaît en la personne de Jésus. Nous avons également pu voir les différences d’interprétations entre christianisme et judaïsme sur des sujets comme la nature humaine, en étudiant notamment la façon dont la chute d’Adam est interprétée. Et en conclusion, nous avons abordé le fait que la Bible Hébraïque raconte une aventure avant tout collective à savoir celle de l’alliance entre Dieu et le peuple hébreu, alors que le Nouveau Testament raconte une aventure plus individuelle basée sur la foi des individus en la personne de Jésus.
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