Les lois de pureté dans le judaïsme

Le judaïsme accorde une place importante à ce que l’on appelle la pureté. Cette notion s’applique à l’homme comme à la femme, et concerne l’ensemble des domaines de la vie. Dans le judaïsme, on emploie respectivement les termes de tumah (טומאה) et de taharah (טהרה) pour désigner l’impureté et la pureté. Il est important de préciser que ces notions d’impureté et de pureté ne représentent pas une comparaison de type « sale » et « propre », mais doivent bien se comprendre dans un sens rituel. La notion de sainteté étant en effet essentiel pour le peuple juif et dans le judaïsme, c’est pourquoi les juifs les plus pratiquants (parfois appelés orthodoxes) accordent toujours une grande importance à la pureté physique. Si on s’appuie sur le texte biblique (comme nous allons le voir), il est clairement énoncé que le peuple élu par Dieu se doit d’être irréprochable sur le plan physique, en particulier pour l’accomplissement des différents commandements. Exemple d’une telle déclaration que l’on retrouve plusieurs fois dans la Bible Hébraïque :

Vous serez saints, car je suis saint, moi l’Eternel, votre Dieu.

Lévitique 19

Cela étant d’autant plus vrai lorsqu’il s’agissait de s’approcher du Tabernacle (ou Tente de la Rencontre dans le désert après la sortie d’Egypte, épisode relaté dans le livre Exode ou « Noms » ou Shemot) ou encore du Temple à Jérusalem. Par pureté, on entend que les juifs doivent se préserver de différentes formes de souillures qu’il s’agisse de maladies de peau ou encore des menstruations par exemple, mais cette notion de pureté s’étend aussi à l’alimentation. Point notable, l’impureté est transmissible que cela soit par le fait de toucher une personne ou encore un objet. Une période d’impureté implique le plus souvent une forme d’isolation sociale. La Bible Hébraïque (Tanakh en hébreu ou Ancien Testament dans les bibles chrétiennes) comporte de nombreux passages relatifs à la pureté tant de l’homme que de la femme, même si cette dernière est (comme nous allons le voir) astreinte à plus de règles que l’homme. A la fois parce que de nombreuses règles sont prescrites spécifiquement à destination des femmes, mais également parce que le judaïsme rabbinique a fait des femmes les gardiennes de la pureté familiale que je décris plus en avant dans cet article.

L’origine des règles liées à la pureté dans le judaïsme, mises par écrits par les auteurs de la Bible Hébraïque, ne semble pas liée à un emprunt de règles présentes dans les anciens codes de lois du Proche et Moyen-Orient ancien (comme le Code d’Hammurabi ou les lois médio-assyriennes) qui évoquent assez peu (voir pas du tout) ce sujet et se concentrent exclusivement sur ce que l’on nomme aujourd’hui les sanctions civiles et pénales. Le système de lois développé par les premiers israélites présente donc une originalité pour l’époque, en ayant pris soin de codifier à la fois des aspects civils et pénaux de leur système juridique, mais également en ayant mis au point un code de lois qui leur a permis de se différencier sur le plan identitaire et qui s’inscrit dans un projet monothéiste.

Toutes ces règles liées à la pureté sont principalement émises dans la Torah et plus particulièrement dans le livre du Lévitique ou « Il appela » ou Vayiqra, tout en ayant fait (et continuant de faire) l’objet d’interprétations et de débats au sein du judaïsme. Avec des attitudes allant d’une application stricte (comme dans le judaïsme orthodoxe) à plus de souplesse voir un abandon de certaines pratiques (comme dans certaines branches du judaïsme libéral). Toutes les citations bibliques qui vont suivre sont tirées de la traduction de la Bible Segond 21.

  1. L’alimentation
  2. La mort
  3. L’accouchement
  4. Les maladies de peau et les moisissures
  5. Les maladies et infections sexuellement transmissibles, les menstruations etc…
  6. Le corps

L’alimentation

La Bible Hébraïque insiste longuement et en différents endroits sur l’importance pour le peuple juif d’adopter une alimentation basée sur des autorisations/interdits. La liste des animaux impurs et purs se trouve dans la Bible Hébraïque plus spécifiquement dans le livre du Lévitique ou « Et il appela » ou Vayiqra au chapitre 11. On retrouve également cette liste dans le Deutéronome ou « Paroles » ou Devarim au chapitre 14. Je décris plus en détail ces règles dans la page dédiée à la Cacherout ou la cuisine juive.

La mort

La Bible Hébraïque précise que tout contact avec un cavadre est une source d’impureté. On retrouve cette règle dans le livre des Nombres ou « Dans le désert » ou Bamidbar au chapitre 19 :

Lorsqu’un homme mourra dans une tente, toute personne qui entrera dans la tente ou s’y trouvera sera impure pendant 7 jours. Tout récipient ouvert, sur lequel il n’y a pas de couvercle attaché, sera impur. Toute personne qui touchera dans les champs un homme tué par l’épée ou mort de manière naturelle, des os humains ou un tombeau, sera impure pendant 7 jours.

L’accouchement

Dans la Bible Hébraïque, l’accouchement est une source d’impureté pour la femme. Les règles varient en fonction que la femme donne naissance à une fille ou à un garçon. Ces règles sont énoncées ainsi :

Lorsqu’une femme deviendra enceinte et qu’elle mettre au monde un fils, elle sera impure pendant 7 jours. Elle sera impure comme au moment de ses règles. […] Elle restera encore 33 jours à se purifier de son sang. Jusqu’a à ce que prenne fin la période de sa purification, elle ne touchera aucun objet saint et n’ira pas au sanctuaire. Si elle donne naissance à une fille, elle sera impure pendant deux semaines, comme au moment de ses règles. Elle restera 66 jours à se purifier de son sang.

Lévitique 12

Dans la Bible Hébraïque, il est dit ensuite que la femme devait se rendre au sanctuaire et y amener un sacrifice pour mettre fin à sa période d’impureté. Ce sacrifice est aujourd’hui remplacé par un passage au mikvé (en hébreu : מקווה), ou bain rituel, dans le judaïsme rabbinique (avec des différences d’application entre orthodoxes et libéraux). Les Beta-Israël (qui pratiquaient un judaïsme non-rabbinique avant leur départ de l’Ethiopie vers Israël) avaient des règles très strictes et possédaient ce que l’on appelait des « huttes de naissance » pour isoler de la communauté les femmes ayant accouchées.

Les maladies de peau et les moisissures

La Bible Hébraïque insiste beaucoup sur les maladies de peau qui étaient (ou sont encore) des causes d’impuretés. Plusieurs exemples de maladies de peau sont donnés dans la Bible Hébraïque, parfois traduites comme la lèpre même si cela semble aujourd’hui incorrect dans la mesure où le texte biblique précise qu’il est possible de guérir de ces maladies sans traitement, ce qui n’est pas le cas de la lèpre (ou maladie d’Hansen). Voici une description du rituel face à une personne atteinte d’une maladie de peau :

Lorsqu’un homme aura sur la peau une grosseur, un dartre ou une tache blanche qui ressemblera à une plaie de lèpre sur sa peau, on l’amènera au prête Aaron ou à l’un de ses descendants qui seront prêtres. […] Le prêtre qui aura fait l’examen déclarera cet homme impur.

Lévitique 13

Les moisissures (sur les personnes ou les objets) sont aussi une source d’impureté. Voici encore un exemple :

Lorsqu’il y aura sur un vêtement une plaie de lèpre – qu’il s’agisse d’un vêtement en laine ou de lin, d’une chaîne ou d’une trame de lin ou de laine, d’une peau ou d’un objet en cuir – et que la plaie sera verdâtre ou rougeâtre sur le vêtement ou sur la peau, dans la chaîne ou de la trame, ou sur n’importe quel objet en cuir, c’est une plaire de lèpre et on la montrera au prêtre.

Lévitique 13

Les moisissures dans les maisons sont aussi sources d’impureté, en témoigne cet autre passage :

Lorsque vous serez entrés dans le pays de Canaan dont je vous donne la possession, si je mets une plaie de lèpre sur une maison du pays que vous posséderez, le propriétaire de la maison ira le déclarer au prêtre en disant « J’aperçois comme une plaie dans la maison ». Avant d’entrer dans la maison pour examiner la plaie, le prêtre ordonnera qu’on la vide afin que tout ce qu’elle contient de devienne pas impur. Après cela il entrera pour examiner la maison.

Lévitique 13

Pour être de nouveau considéré comme pur, une personne atteinte d’une maladie de peau (lèpre, moisissure, ou autre affection) devait s’isoler puis se présenter à nouveau au prêtre. Exemple pour la teigne :

Il [le prêtre] l’enfermera [le malade] pendant 7 jours celui qui a la plaie de la teigne. Le prêtre examinera la plaie le septième jour. Si la teigne ne s’est pas étendue, s’il n’y a pas de poil jaunâtre et si elle ne paraît pas former un creux dans la peau, celui qui a la teigne se rasera, mais il ne rasera pas la place où est la teigne. Le prêtre l’enfermera une deuxième fois pendant 7 jours.

Lévitique 13

Dans la Bible Hébraïque, la personne atteinte de maladie de peau (ou autre affection de ce type) devait se présenter devant un prêtre et on devait réaliser un sacrifice, puis le malade devait se baigner dans l’eau :

[…] il [le malade] ses poils, sa tête, sa barbe, ses sourcils, il rasera tous ses poils. Il lavera ses vêtements et baignera son corps dans l’eau, et il sera pur.

Lévitique 14

Les maladies et infections sexuellement transmissibles, les menstruations etc…

La Bible Hébraïque mentionne ce que l’on appelle aujourd’hui les MST/IST comme source d’impureté. En voici un exemple dans ce très long passage volontairement abrégé :

Tout homme qui a une blennorragie est par là même impur. Il est impur à cause de sa blennorragie. Que son corps laisse couler l’écoulement ou le retienne, il est impur.

Lévitique 15

S’en suit tout une très longue liste de situations où l’homme transmet son impureté. Exemple :

Tout lit sur lequel il couchera sera et tout objet sur lequel il s’assiéra sera impur.

Lévitique 15

Nous savons toutefois aujourd’hui que cette notion de transmission d’une maladie sexuellement transmissible par simple contact physique ou encore par objet interposé n’est pas étayée par la science moderne, d’où l’importance de savoir re-contextualiser ce que nous lisons. Notons que l’homme est également considéré comme impur après une éjaculation, en témoigne cet autre extrait :

L’homme qui aura une éjaculation lavera son corps dans l’eau et sera impur jusqu’au soir. […] Si une femme a couché avec un tel homme, ils se laveront tous les deux et seront impurs jusqu’au soir.

Lévitique 15

Les femmes sont considérées comme impures lorsqu’elles ont leurs règles. Cette règle est édictée par le passage suivant :

La femme qui aura un écoulement de sang restera 7 jours dans la souillure de ses règles. […] Lorsqu’elle sera purifiée de son écoulement, elle comptera encore 7 jours après lesquels elle sera pure.

Lévitique 15

Comme pour la blennorragie citée plus haut, s’en suit toute une série d’interactions susceptibles de transmettre l’impureté. On parle dans le judaïsme de niddah (en hébreu : נִדָּה) pour désigner une femme qui est incommodée par ses règles. Dans cette situation, et plus particulièrement dans le cas d’un couple marié, une séparation temporaire s’impose entre l’homme et la femme. Les rapports sexuels sont par exemple proscrits, car un homme qui coucherait avec une femme ayant ses règles serait également impur :

Si un homme couche avec elle, si la souillure des règles de cette femme vient sur lui, il sera impur pendant 7 jours et tout lit sur lequel il couchera sera impur.

Lévitique 15

Il est également interdit pour l’homme de toucher sa femme. La période dite de niddah dure généralement deux semaines (la tradition rabbinique imposant non seulement le respect des 7 jours indiqués dans la Bible Hébraïque, ainsi que 7 jours supplémentaires), et se conclut pour la femme par un passage au mikvé. Ce rapport à la menstruation fait l’objet de différentes interprétations dans le judaïsme moderne. Si les juifs orthodoxes continuent à appliquer ces préceptes de manière stricte, le judaïsme libéral a presque abandonné ce principe, même si il est toujours permis aux couples de respecter librement ces règles. Il est également intéressant de voir comment les judaïsmes dits « non-rabbiniques » ont pu appliquer ces règles. Les Karaites interdisent par exemple aux personnes en état d’impureté rituelle d’accéder à leur synagogue (ce qui n’est pas le cas du judaïsme orthodoxe) et ne reconnaissent pas le mikvé comme un bain rituel, dans la mesure où pour les Karaites il faut se baigner dans une source d’eau vive (comme une rivière ou une douche). Les Beta-Israël (avant leur départ de l’Ethiopie vers Israël) possédaient ce que l’on appelait des « huttes de sang » où les femmes qui avaient leurs règles devaient s’isoler du reste de la communauté.

Le corps

En plus des règles relatives aux maladies de peau, aux infections et maladies sexuellement transmissibles, à l’accouchement et aux règles; on trouve également des règles relatives à l’entretien du corps. Plus particulièrement, deux choses sont interdites, à savoir la coupe de la barbe et des cheveux d’une façon spécifique et les tatouages :

Vous ne couperez pas en rond les coins de votre chevelure et tu ne raseras pas les coins de ta barbe. Vous ne ferez pas d’incisions sur votre corps pour un mort et vous ne vous ferez pas de tatouages.

Lévitique 19

Pour aller plus loin sur le sujet de la notion de pureté dans le judaïsme, je vous invite à lire les ouvrages suivants :

  • « Le Judaïsme dans la vie quotidienne » d’Ernest Gugenheim
  • « Le Judaïsme : Histoire, fondements et pratiques de la religion juive » de Quentin Ludwig
  • « Le Judaïsme : pratiques, fêtes et symboles  » de Hélène Hadas-Lebel

2 réponses à « Les lois de pureté dans le judaïsme »

  1. Avatar de clerej
    clerej

    article simple mais tres precis bravo

    J CLERE

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    1. Avatar de simon_chabrol

      Je vous remercie pour ce compliment. J’ai effectivement essayé de synthétiser au mieux un sujet très complexe et très important dans le judaïsme, en disant le maximum tout en restant accessible à un public large.

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